Rupestre et neuf : Zivo
Bicyclette brisée, ombres dans la rue, lettres éparses mêlées d'insectes, spectres, ânes et oiseaux, parapluies....
l'univers de Zivo s'élabore autour d'êtres à peine esquissés, précaires, d'objets sans usage et sans prestige. La
couture est préférée à la ligne, la tache de couleur à la touche. Rien n'y est univoque ou affirmé, tout est en suspens.
Zivo remplit des carnets d'esquisses, dans son antre-atelier, il en appelle au rêve, aux visions. Il laisse libre cours
à ses intuitions. On croit à la naïveté, alors que c'est la ruse, mais la bonne, celle de la survie avec les choses, le
bricolage avec le quotidien, l'éternelle tenace capacité à intégrer le malheur, les tracs, dans une image vibrante
ou absurde.
C'est un art d'enfance, tout traversé d'images simples ou mythologiques. On y trouve le souci des grandes forces qui
tiraillent l'humain vers le ciel (l'oiseau) et vers la terre (l'âne). On y trouve les vielles images de l'enfance, du pays perdu.
De la guerre, entrevue, il reste horrifié.
C'est un dessin ténu, modeste en apparence, mais très chargé de signes. Chargé de matières (la cire, la terre), taché,
griffé. La toile n'mite pas la complétude parce que le monde est éclaté, elle refuse l'imitation parce que tout est
perçu par l'oeil intérieur. Elle ignore l'académisme, es règles de l'art. Priorité aux songes, aux images. L'aquarelle,
l'encre, le graffito ne se laissent pas prendre aux discours, ils se contentent de proposer des figures. Place est laissée
à l'imagination du spectateur.
C'est avec les mains et les matières qu'il peint, dessine. On dirait un jeu très sérieux, un peu hanté. Les toiles immenses
qui pendent dans l'atelier, avec ces bonnets d'âne (celui que l'école a cru bon de lui tendre), avec ces grands oiseaux,
font penser à des dessins rupestres, à des graffitis romains, à des songes d'égaré.
La première fois que j'ai vu Zivo à l'oeuvre, il avait à teindre et tordre d'immenses toiles de coton, elles sortaient d'un
bain de teinture jaune, il les pressait pour leur faire des plis, des reliefs, comme à une peau très vieille, un cuir séché.
Il peignait ensuite sur la couleur avec des cendres, de la terre. Il revenait aux premiers gestes, aux parures.
Bien que des débris de phrases soient déposées sur les dessins, Zivo hésite dans la parole, trop nette, pas assez
suggestive. L'homme est très incarné, charpenté, ses gestes disent l'attention, la précision, le soin presque délicat.
Souci de l'autre, grande observation de tous les détails, amour de la vie commune.
Jérôme Meizoz
Professeur, écrivain et critique littéraire, auteur de "Fantômes" et "Pénurie"
Bicyclette brisée, ombres dans la rue, lettres éparses mêlées d'insectes, spectres, ânes et oiseaux, parapluies....
l'univers de Zivo s'élabore autour d'êtres à peine esquissés, précaires, d'objets sans usage et sans prestige. La
couture est préférée à la ligne, la tache de couleur à la touche. Rien n'y est univoque ou affirmé, tout est en suspens.
Zivo remplit des carnets d'esquisses, dans son antre-atelier, il en appelle au rêve, aux visions. Il laisse libre cours
à ses intuitions. On croit à la naïveté, alors que c'est la ruse, mais la bonne, celle de la survie avec les choses, le
bricolage avec le quotidien, l'éternelle tenace capacité à intégrer le malheur, les tracs, dans une image vibrante
ou absurde.
C'est un art d'enfance, tout traversé d'images simples ou mythologiques. On y trouve le souci des grandes forces qui
tiraillent l'humain vers le ciel (l'oiseau) et vers la terre (l'âne). On y trouve les vielles images de l'enfance, du pays perdu.
De la guerre, entrevue, il reste horrifié.
C'est un dessin ténu, modeste en apparence, mais très chargé de signes. Chargé de matières (la cire, la terre), taché,
griffé. La toile n'mite pas la complétude parce que le monde est éclaté, elle refuse l'imitation parce que tout est
perçu par l'oeil intérieur. Elle ignore l'académisme, es règles de l'art. Priorité aux songes, aux images. L'aquarelle,
l'encre, le graffito ne se laissent pas prendre aux discours, ils se contentent de proposer des figures. Place est laissée
à l'imagination du spectateur.
C'est avec les mains et les matières qu'il peint, dessine. On dirait un jeu très sérieux, un peu hanté. Les toiles immenses
qui pendent dans l'atelier, avec ces bonnets d'âne (celui que l'école a cru bon de lui tendre), avec ces grands oiseaux,
font penser à des dessins rupestres, à des graffitis romains, à des songes d'égaré.
La première fois que j'ai vu Zivo à l'oeuvre, il avait à teindre et tordre d'immenses toiles de coton, elles sortaient d'un
bain de teinture jaune, il les pressait pour leur faire des plis, des reliefs, comme à une peau très vieille, un cuir séché.
Il peignait ensuite sur la couleur avec des cendres, de la terre. Il revenait aux premiers gestes, aux parures.
Bien que des débris de phrases soient déposées sur les dessins, Zivo hésite dans la parole, trop nette, pas assez
suggestive. L'homme est très incarné, charpenté, ses gestes disent l'attention, la précision, le soin presque délicat.
Souci de l'autre, grande observation de tous les détails, amour de la vie commune.
Jérôme Meizoz
Professeur, écrivain et critique littéraire, auteur de "Fantômes" et "Pénurie"